De mon bureau, par la fenêtre, quand je vois la grue mécanique œuvrer, je ne pense qu’à une chose. Je veux qu’elle m’enlève.
Je veux qu’elle m’élève ; qu’elle me porte. Et mes collègues pourront tout essayer pour me retenir : j'échapperais à ma journée, à mes horaires, à mon travail. La grue mécanique grince au vent et me regarde amusée.




Les souvenirs que l’on force sont les points kilométriques sur notre parcours.
À trop les fixer, on en oublie les multiples dimensions du paysage et des étendues traversées. Mais c’est utile tout de même, les points kilométriques.
Ne soyons pas bornés.



Tu ne peux pas t’imaginer ce que représente l'image d'une soirée parisienne vue d’ici. Nous sommes complètement incrédules et fascinés par cette jeunesse aux cafés, jeunesse des rues nocturnes, rues de vélos, de scooters et de gens si bien lookés.
Mais que se racontent-ils ? C'est bouleversant.


Il y avaient tellement d’options qui s’offraient à moi : changer le bateau en pédalo ; ou faire de lui une remorque au vent ; me faire un airbag spécial guidon. Mais non. J’ai préféré rouler à l’aveuglette.



Deux perches noires restent plantées. Qui les a plantées dans le sable découvert par une marée jadis bleue ? Ce même sable couvert maintenant de bandes d’algues ternes. Mes souvenirs sont souvent des toiles à marée basse. Le vent, vif, vire toutes les couleurs au pastel puis au gris. Et, de mes proches, des êtres aimés, je ne vois plus les visages. Ils deviennent des silhouettes dans les paysages lacustres.
Ah ! Je me souviens : ce sont eux ! Mes amis ont planté ces deux perches dans le sable, épinglant ainsi le paysage avant qu'il ne s'efface définitivement. Ils ont réussi et les gens au loin me font signe.



S’il y a bien un souvenir lointain que j'affectionne, c’est celui des campagnes métropolitaines. Les grands talus enherbés me reviennent comme des monstres allongés, bienveillants, nous incitant aux rires, aux courses rapides, au bonheur, à l’amitié enfantine voguant de hameau en hameau.


Qu'est-ce qui me rendait le plus heureux ? Regarder le petit chemin de randonnée tenant son rôle de couture pour que les versants de pierres ne tombent pas par paquets dans l’eau de mon lac ? Ou suivre les têtards zigzagant entre les roches, les roseaux, les rayons de soleil dansants, mes jambes dans l’eau froide et entre mes dix doigts ? Qu'est-ce qui me rendait le plus heureux ?


La nuit, dans la plaine menant au volcan, passent des limaces de pierre et géantes. Au petit matin, les mastodontes s’envolent vers la lune laissant le chemin damé et les gros blocs éclatés sur les bas cotés. Les touristes peuvent enfin passer. Et c'est au lieu-dit du Pas de Bellecombe que la route s’arrête net devant une falaise servant de point d'envol. Une limace ne s'envole pas facilement. Il lui faut une sorte de promontoire.

